Jeux Olympiques de 2024 : les Fédérations sportives guignent l’illusoire pactole.

8 Nov

Vous savez hélas que Paris a obtenu le désastreux privilège d’organiser les Jeux Olympiques de 2024. Mais cette décision du Comité International Olympique ne fut acquis que…faute de combattant, Paris étant finalement seul en lice. Les tenants de cette candidature ignoraient sans doute les écrits de Pierre Corneille qui affirmait, dès 1637, qu’ « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » !

Pourtant, les organisateurs parisiens et les dirigeants sportifs font dès à présent des plans sur la comète, montrant ainsi qu’ils connaissent mieux Jean de La Fontaine et sa Perrette.

Cela a commencé avec Laura Flessel, ministre des sports, qui a fait part d’objectifs inédits :  » Mon ambition est de doubler le nombre de médailles (par rapport aux Jeux précédents), déclarait-elle, le 11  septembre, au quotidien péruvien El Comercio. Il faut être ambitieux dans ce domaine. « 

A Rio, en  2016, la France a récolté 42 médailles. Déjà un record, si l’on exclut les Jeux de 1900 organisés à Paris et ceux de Pékin, en 2008, où la France a récupéré deux médailles de bronze sur tapis vert, plusieurs années après, pour des questions de dopage, portant son total à 43. Depuis la seconde guerre mondiale, le record de titres olympiques a été atteint lors de l’édition d’Atlanta, en  1996, avec 15 médailles d’or. Doubler la quarantaine établie au Brésil ? Le défi paraît ardu dans un contexte budgétaire tendu, peu favorable aux dépenses dans le sport.

Depuis plusieurs mois, Laura Flessel martèle qu’il faudra  » faire mieux avec moins  » ! Selon le principe cher à tous ceux qui nous gouvernent et dont l’impécuniosité est bien connue. Si le  » mieux «  reste à construire, le  » moins  » a déjà été établi pour l’année 2018 : selon le projet de loi de finances, le budget du ministère des sports devrait connaître une baisse de 7  % par rapport à l’an dernier. L’enveloppe est présentée comme un budget de  » transformation « , avec un soutien personnalisé pour certains sportifs de haut niveau à hauteur de 10  millions d’euros. Mais au-delà des questions financières, une phrase revient régulièrement chez Mme  Flessel et ses collaborateurs :  » Il faut changer le modèle sportif français.  » Avouez qu’en sept ans, cela paraît très audacieux.

D’autant que celui-ci, dans sa forme actuelle, remonte à plus d’une cinquantaine d’années. Les Jeux de 1960 marquant une rupture : cette année-là, cas unique dans son histoire aux Jeux d’été, la France revient de Rome sans le moindre titre olympique. Le caricaturiste Jacques Faizant dessine alors un général de Gaulle s’exclamant, en survêtement :  » Dans ce pays, si je ne fais pas tout moi-même !… « 

Pour l’historien Patrick Clastres, cette période correspond à l’élaboration d’ » un programme national de production de la haute performance « .  » En réalité, De Gaulle accordait peu d’intérêt au sport, mais il a compris qu’avec les premiers Jeux en mondovision, les défaites françaises étaient désormais télévisées « , explique l’enseignant à l’Institut des sciences du sport de l’université de Lausanne. C’est aussi notre avis et c’est aussi pour cela que l’organisation des Jeux par Paris nous paraît un fort mauvais plan…Sous l’impulsion de l’ancien alpiniste Maurice Herzog, alors secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports, se met en place un principe pyramidal :  » On va produire du haut niveau en développant le sport de masse. « 

Beaucoup a été fait mais, au Comité national olympique sportif français (CNOSF), on dresse un bilan moins satisfaisant.  » Nous sommes dans un modèle tutélaire, où l’Etat a le pouvoir de décision et où les autres acteurs sont les exécutants, considère son président, Denis Masseglia. On est le seul pays à fonctionner de cette façon ! Il faut juste se poser la question de savoir si le modèle sportif français est vraiment le plus performant. Tous les indicateurs prouvent que ce n’est pas le cas. « 

Vers quelles pistes s’orienter ? Un cadre du ministère des sports estime que tous les acteurs veulent maintenant avoir leur mot à dire. Entre l’Etat, les fédérations sportives et le CNOSF, la bataille en coulisses est bien réelle. «  Actuellement, tout le monde se positionne pour 2024. Ils se disent : “Tiens, il y a un gâteau, si je pouvais en être…  » Le comité, lui, plaide pour la création d’une structure destinée au haut niveau, un  » haut conseil à la performance « , qui regrouperait divers acteurs sous la présidence… du CNOSF. Bref, un nouveau comité Théodule dont on sait quelle est l’efficacité !

 » Aux Pays-Bas, au Danemark ou en Allemagne, les conventions d’objectifs des fédérations sont faites par le comité olympique, souligne Denis Masseglia. Nous sommes à des années-lumière de ce système-là. On considère que le système étatique est meilleur. Sauf qu’eux ont de meilleurs résultats. C’est que, quelque part, faire confiance au mouvement sportif n’est pas une erreur en soi. « 

A l’étranger, le cas de figure anglais revient souvent en exemple ou contre-exemple, selon les interlocuteurs. Ses partisans invoquent un succès comptable, et un meilleur ciblage des moyens sur le haut niveau. Entre les Jeux d’Athènes en  2004 et ceux de Rio en  2016, la délégation britannique a plus que doublé son nombre de médailles : de 30 à 67. Le fruit d’une politique d’investissements ciblés sur certains sports et sur certains sportifs, quitte à en mettre certains de côté.  » L’exemple l’anglais l’a montré très nettement : on peut produire du haut niveau sportif en étant complètement déconnecté de la masse « , résume Patrick Clastres. Si la France reproduisait ce système,  » ce serait l’introduction d’un management de type entrepreneurial et privé à la gouvernance du sport, très clairement « , prévient Béatrice Barbusse, présidente du Centre national pour le développement du sport.

Ces derniers mois, plusieurs rapports ont été rédigés afin d’explorer les pistes pour réformer le modèle français. Celui de Jean-Pierre Karaquillo sur le statut des sportifs, en  2015, a donné lieu à une loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. Plus récemment, outre les préconisations du CNOSF, Philippe Graille, délégué ministériel à la haute performance sportive au sein du ministère, a rendu des propositions à Laura Flessel. Et deux inspecteurs généraux du ministère, Hervé Madoré et Frédéric Jugnet, ont été chargés de plancher sur le sujet, dont ils ont partagé les conclusions en octobre : formation des entraîneurs, incitation à un plus grand financement de la part des entreprises privées, réorganisation des aides aux athlètes, création d’une agence consacrée au très haut niveau qui réunirait les différents acteurs du sport français, les propositions de réformes sont nombreuses.

L’heure des arbitrages devrait intervenir au début de l’année 2018. Claude Onesta, qui assure  » ne pas partir d’une feuille blanche « , devrait pouvoir s’appuyer sur ces différents travaux avant de rendre ses conclusions dans environ deux mois. Il a depuis quelques semaines constitué une équipe réduite, composée de la quadruple championne paralympique Marie-Amélie Le Fur, du nageur Fabien Gilot, du président de la Fédération française de voile, Nicolas Hénard, et de la boxeuse Sarah Ourahmoune.

Au-delà, se pose aussi une autre question de fond : la quête chiffrée de médailles a-t-elle encore du sens ? Pour Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste au Conseil de Paris et responsable de la commission sport du PCF,  » la réussite des Jeux à Paris ne dépendra pas forcément du nombre de médailles françaises « . Mais plutôt de la capacité de l’événement à devenir  » une fête populaire permettant le développement de la pratique pour tous dans notre pays  » ! Ce qui n’a rien d’une suite logique : un an après les Jeux de Londres en 2012, la pratique sportive a chuté au Royaume-Uni, malgré la moisson de médailles.

Conférence de presse d’Emmanuel Macron, Tony Estanguet et Anne Hidalgo le 11 juillet à Lausanne

Mais, comme vous le savez depuis que nous l’avons montré*, le but de ce Barnum n’est pas le sport. C’est l’argent (entendez le blé) et, plus encore, les investissements dans les quartiers malfamés de la Seine-Saint-Denis pour acheter une illusoire paix sociale.

Le 8 novembre 2017.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

* Lire « Pourquoi tiennent-ils tellement aux Jeux Olympiques à Paris en 2024 ? » :

https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/07/12/pourquoi-tiennent-ils-tellement-aux-jeux-olympiques-a-paris-en-2024/

Une Réponse to “Jeux Olympiques de 2024 : les Fédérations sportives guignent l’illusoire pactole.”

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  1. Et ils rêvent encore aux Jeux Olympiques à Paris, en 2024 ! – information nationaliste - août 11, 2021

    […] Tandis que le modèle sportif britannique privilégie l’élite et les sports pourvoyeurs de médailles, le français donne la priorité à la pratique sportive pour tous. Mais les succès tricolores accumulés dans les sports de salle comme le handball, où la professionnalisation s’est accentuée en France, invitent à la réflexion. A trois ans des Jeux de Paris, il est temps de tirer les enseignements de ce qu’il faut bien considérer comme un échec sportif à Tokyo. Comme il est urgent de revoir le cahier des charges des investissements financiers dans un gouffre à la si brève durée de vie… (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/11/08/jeux-olympiques-de-2024-les-federations-s&#8230😉 […]

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