Iconoclastes églises
Le Point – Publié le 05/12/2014 à 14:59
Une grande partie du patrimoine religieux a été détournée du culte pour mieux revivre.
Par AUDREY EMERY
Adjointe au maire chargée de la culture, Christine Martin ne peut qu’en convenir : « Dijon a un drôle de rapport au patrimoine religieux. » Quand la cité des ducs, qu’Henri IV surnommait la « ville aux 100 clochers« , accueille enfin le siège de l’évêché, en 1731, l’église possède sept paroisses, de très nombreux monastères et même l’une des trois Saintes chapelles de France, détruite depuis. Mais, après la Révolution, une grande partie de cet important patrimoine ne sera jamais rendue au culte. Et, lorsque la ville récupère ces édifices en 1905 grâce à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, elle prend certes grand soin de les préserver, mais en changeant leur vocation de manière parfois très surprenante, voire incongrue. « Après tout, les églises évoluent comme les casernes« , (NDLR. Sic!) concède Jean-Michel Pelotte, délégué épiscopal à la culture et au tourisme. En voici quelques exemples.
Saltimbanques à Saint-Jean
Cherchez l’erreur. En 1974, plus d’un siècle et demi après la destruction de la Sainte chapelle pour construire le Grand Théâtre, la ville décide d’installer le Centre dramatique national (CDN) dans… l’église Saint-Jean. L’édifice avait pourtant été rendu au culte en 1862. « Mais le centre dramatique, basé à Beaune, voulait s’installer à Dijon et la ville n’avait que ce lieu à offrir« , raconte Jean-Michel Pelotte, alors adjoint à la culture, qui se rappelle être monté au créneau à plusieurs reprises pour rassurer les catholiques dijonnais.
Aujourd’hui cependant, le centre dramatique, qui ne peut accueillir que 270 spectateurs, est très à l’étroit. Pour le moment, pas question de déménagement. « Mais nous allons mener un travail avec le Grand Théâtre pour permettre au CDN d’y faire des levers de rideau. Ensuite, il faudra tout poser sur la table et engager une réflexion sur l’avenir de notre Opéra comme outil de la politique culturelle« , explique Christine Martin.
Art contemporain à Saint-Philibert
Fermée pendant plus de vingt ans, cette église est un peu mythique aux yeux des Dijonnais. Cédée à la ville en nue-propriété en 1818, elle est d’abord en partie rasée pour permettre l’élargissement de la rue des Vieilles-Etuves. Classée monument historique en 1913, elle faillit accueillir le musée d’Archéologie avant de devenir en 1942 un centre de messagerie routière. En 1974, des travaux sont lancés pour y faire un lieu d’expositions et de concerts. Las ! L’installation du chauffage par le sol provoque des remontées d’humidité et de nombreuses dégradations. Le bâtiment est alors fermé de 1979 à 2002, année où il rouvre pour les Journées du patrimoine. Mais ce n’est vraiment que depuis 2011 que l’édifice accueille des expositions, de mai à septembre, selon une programmationétablie par le FRAC, l’Ecole nationale supérieure d’art, le musée des Beaux-Arts et le Consortium. Une vraie renaissance pour cet unique vestige roman de Dijon : « Préserver un lieu fermé, c’est terrible. Il faut le faire revivre, car plus un bâtiment vit, plus nous avons le souci de le conserver en bon état », souligne Christine Martin.
Business et lectures à Saint-étienne
Drôle de destin que celui de cette église du Ve siècle, devenue abbaye au XIIe siècle et même cathédrale de 1731 à 1789. Reconvertie en halle à blé après la Révolution, Saint-Etienne accueille la Bourse du commerce en 1896, puis la CCI jusqu’en 2008. Lorsque celle-ci déménage, l’année suivante, pour la place Jean-Bouhey, la ville y voit l’opportunité d’y installer la bibliothèque pour adultes, à l’étroit dans ses locaux du centre-ville. Rebaptisée « la Nef »,elle côtoie le pôle administratif du musée des Beaux-Arts ainsi qu’une salle d’exposition.
Ripailles au cellier de Clairvaux
Unique vestige des possessions de l’abbaye de Clairvaux, qui y conservait ses récoltes, ce cellier construit en 1220 est vendu à la Révolution et restera à l’abandon jusqu’à la Libération. « Il aurait pu devenir n’importe quoi », remarque Jean-Michel Pelotte. Après d’importantes campagnes de restauration, notamment en 2005, le cellier de Clairvaux abrite désormais le siège de l’association qui gère les Fêtes de la vigne et accueille des expositions, des concerts, des conférences et des réceptions officielles
Unique; Art sacré aux Bernardines
Le musée d’Art sacré de Dijon est le seul en France à appartenir à la ville. En 1950, elle rachète l’église du monastère des Bernardines et y ouvre en 1979 le musée pour y présenter différents objets du culte alors en déshérence. Depuis 1993, le musée de la Vie bourguignonne lui est rattaché.
Les anges de la Providence
Il aura fallu l’intervention d’un ancien ministre, d’élus locaux, d’un archevêque et de plusieurs Dijonnais pour empêcher la destruction de la chapelle de la Providence. Fondée à la fin du XIXe siècle par la congrégation des soeurs de la Providence autour d’une belle maison bourgeoise de la rue de Talant et de sept hectares de vignes, l’édifice, désaffecté en 1976, est menacé par les soeurs elles-mêmes à partir de 2004. La congrégation, qui a besoin d’argent pour mettre aux normes sa maison de retraite d’une centaine de lits, dépose en effet un permis de démolir. Des parents d’élèves de l’école privée Alix-Providence et d’autres Dijonnais attachés au lieu se regroupent alors au sein de l’Association de sauvegarde du site de la Providence (ASSPro). Contre l’avis des soeurs, ils mobilisent la ville, l’ancien ministre de la Culture Jean-Philippe Lecat, ainsi que plusieurs conseillers généraux, et finissent par atteindre l’archevêque, Mgr Minnerath. » Les soeurs, qui s’étaient éloignées de leur mission, se sont fait remonter les bretelles, raconte Jean-Louis Guérin, secrétaire de l’ASSPro et membre de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon. Mais je pense qu’elles étaient en réalité très mal conseillées. » Depuis 2006, les religieuses, toujours propriétaires de la chapelle, autorisent par convention l’ASSPro à y organiser des conférences-concerts. L’association, qui a déjà réalisé plusieurs aménagements et vient de recueillir 8 000 euros de dons pour engager la restauration des vitraux avec la Fondation du patrimoine, a toutefois dû faire son deuil de plusieurs joyaux, tels l’autel, l’orgue et le chemin de croix, vendus par les soeurs à d’autres églises
Du vin en chapelle
Une oenothèque dans la chapelle de l’ancien hôpital général ? La rumeur a donné des sueurs froides au diocèse et aux fidèles, mais la polémique a vite été désamorcée par la ville. La chapelle, située sur le site de la future Cité internationale de la gastronomie, sera bien utilisée comme un élément touristique, mais pas comme lieu de vente. La municipalité imagine plutôt de la transformer en » chapelle des Climats « , pour faire écho à la candidature des Climats du vignoble de Bourgogne au Patrimoine mondial de l’Unesco.
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