Vous avez été frappés par le Covid-19 ? Voici comment gérer la vaccination ensuite.

15 Fév

Est-ce que, pour une fois, la médecine de pénurie qui caractérise la pandémie actuelle pourrait s’avérer porteuse d’attitudes efficaces ? Nous sommes en droit de nous le demander après les publications qui suivent. Jugez-en.

La question était devenue récurrente : comment immuniser les Français déjà contaminés par le SARS-CoV-2 ? Alors que tous les vaccins jusqu’ici approuvés prévoient deux injections, de plus en plus de voix jugeaient ce protocole inadapté aux 107 millions de personnes dans le monde, dont 3,4 millions en France, ayant déjà développé des défenses contre l’infection.

La plupart des pays lancés dans des campagnes vaccinales jugeaient jusqu’à présent les anciens malades « non prioritaires » (au nom de quoi d’ailleurs puisque personne n’était en mesure d’exposer l’histoire naturelle de cette pandémie ?…) et sans préciser le futur schéma auquel ils seraient soumis. La Haute Autorité de santé (HAS) vient de trancher. Dans un avis au gouvernement rendu vendredi 12 février, portant sur les personnes « ayant un antécédent de Covid-19 », elle propose d’administrer une dose de produit trois à six mois après l’infection. Et de s’en tenir là.

Pour justifier sa position, la HAS s’appuie sur des travaux que lui a présentés la Société de pathologie infectieuse de langue française, ainsi que sur les données de pharmacovigilance enregistrées sur le vaccin Pfizer-BioNTech. Elle dispose en outre de quatre études publiées depuis le début de l’année 2021, en preprint, qui toutes vont dans le même sens. Trois d’entre elles ont été conduites aux Etats-Unis, la quatrième en Italie. Trois ont suivi des cohortes de personnels soignants, la dernière a analysé un groupe d’échantillons sanguins prélevés au hasard. Toutes ont concentré leur analyse sur les vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech et de Moderna, les plus largement déployés actuellement. Et toutes sont parvenues à la même conclusion : une dose de vaccin injectée à un ancien malade produit une réponse immunitaire aussi, voire plus, importante que deux doses administrées à une personne « naïve » vis-à-vis du virus.

Enfin une bonne nouvelle !

Certes, souligne la HAS, ces études ont dû se contenter d’analyser les caractéristiques immunologiques des personnes vaccinées, notamment leurs anticorps – une information partielle. En effet, pour l’heure, les scientifiques n’ont toujours pas établi ce qu’ils nomment un « corrélat de protection », à savoir une indication sérologique précise prouvant l’existence d’une immunité. Ils ignorent donc la quantité exacte d’anticorps neutralisants – ceux qui éliminent le virus – nécessaires pour être protégé. Mais ils s’accordent à dire que plus on en dispose, mieux c’est. Or, dans toutes ces études, les anciens malades vaccinés une fois en ont produit davantage, et les ont produits plus rapidement, que les personnes ayant échappé au virus et reçu deux injections.

Une cinquième étude, conduite au Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle, est allée plus loin : elle a montré que ces anciens malades vaccinés une fois avec le produit de Pfizer-BioNTech produisaient non seulement des anticorps, mais aussi des cellules tueuses, cette autre ligne de défense de l’organisme, dirigée non pas contre les virus mais contre les cellules qu’ils infectent. Et bonne nouvelle, cette double défense paraît efficace devant le virus traditionnel mais aussi face au variant sud-africain (B.1.351).

Autre argument relevé par la HAS : les anciens malades présentent davantage d’effets indésirables. Plus de douleurs au point d’injection, mais surtout plus d’effets « systémiques », de la fatigue, de la fièvre. Le troisième rapport de pharmacovigilance de l’ANSM a ainsi relevé « 85 cas d’effets indésirables chez des personnes avec un antécédent d’infection à Covid-19 », souligne la Haute Autorité. Davantage, en proportion, que pour les sujets « naïfs ». Un résultat confirmé par l’une des études américaines, conduite à l’Icahn School of Medicine de New York. Alors que Pfizer a constaté dans tous ses essais que les effets indésirables étaient plus nombreux et plus intenses après la seconde injection, les anciens malades présentent, dès la première injection, le profil « réactogène » des personnes non infectées lors de la seconde.

Pourquoi une telle protection ? Pour les auteurs de toutes les études, la réponse est claire : de même que la seconde injection amplifie l’immunité créée par la première, cette première injection à elle seule vient doper la réponse immunitaire produite lors d’une première infection. Doper ou plutôt réveiller, en sollicitant les cellules mémoires, qui demeurent actives même lorsque les anticorps ont disparu. Pour cette raison, la recommandation s’applique « à toutes les personnes ayant fait une infection par le SARS-CoV-2, quelle qu’en soit son antériorité », prend soin de préciser la HAS.

Une dernière question se posait à elle : quand administrer cette unique injection ? Dans les trois mois qui suivent la maladie, les réinfections apparaissent exceptionnelles. Par la suite, ces cas semblent moins rarissimes qu’on avait pu le penser au départ, constate la HAS au terme d’une revue poussée de la littérature. Mais « au total, en l’état actuel des connaissances, les réinfections semblent être des événements peu fréquents sur la période de six mois après le premier épisode, y compris dans un contexte d’une forte exposition (personnels de santé) », indique l’avis de la Haute Autorité. Elle constate enfin qu’au-delà de cette période, les données sont lacunaires. Les experts recommandent donc une vaccination « dans un délai de trois à six mois après l’infection » et « de préférence avec un délai proche de six mois »Avec une exception : les personnes immunodéficitaires, par exemple sous chimiothérapie ou infectées par le VIH. A cette catégorie, ils recommandent de suivre le schéma vaccinal à deux doses, trois mois après leur infection.

La HAS apporte une dernière précision, qui porte sur les malchanceux qui découvrent leur infection après leur première injection, mais avant la seconde. Ceux-là « ne doivent pas recevoir cette seconde dose dans les délais habituels, mais dans un délai de six mois et pas avant trois mois après l’infection »indique l’avis.

Cette décision devrait être appréciée de certains scientifiques américains. Ou plutôt prise en exemple dans le combat qu’ils mènent actuellement. Ainsi, dans une série de tweets, Eric Topol, un des médecins les plus en vue outre-Atlantique dans les débats sur le Covid, s’agaçait : « 90 millions d’Américains ont déjà eu le Covid-19. Dans notre quête de l’immunité collective, ils sont largement ignorés et l’on continue à leur donner deux doses de vaccin. Avec le manque actuel de stock, cela mériterait d’être repensé. » 

Une fois n’est pas coutume, la médecine de pénurie que nous avons si souvent dénoncée permet de répondre à des questions de très grande importance. N’en faisons pas pour autant une méthode de gouvernance sanitaire !

Le 15 février 2021.

Pour le CER, Hippocrate, Conseiller à la santé publique.

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