Quand l’héraldique se perd dans des chemins de traverse.

16 Juin

Manifestement, toute vérité n’est pas bonne à dire. Même dans des médias royalistes.

C’est ainsi que nous sommes intervenus il y a peu sur le site Vexilla Galliae, à la suite d’un article de M. Marc Auchenne consacré au travail d’un artiste héraldiste Normand, Xavier d’Andeville (http://www.vexilla-galliae.fr/royaute/vie-des-royalistes/2464-interview-avec-xavier-d-andeville-createur-du-blason-de-la-duchesse-d-anjou). Hélas, plusieurs de nos commentaires furent censurés !

Le titre flatteur, qui laissait entendre que ledit héraldiste avait CRÉÉ LE BLASON DE LA DUCHESSE D’ANJOU, nous avait interpellé car nous ne comprenions pas comment on pouvait avoir créé un blason de toute pièce pour Madame la duchesse d’Anjou, née Vargas et épouse de Monseigneur le prince Louis de Bourbon.

En effet, les règles héraldiques concernant le port des armoiries par les femmes sont très claires et très précises. Elles ont d’ailleurs été exposées par le menu dans l’incontournable ouvrage de Rémi Mathieu, « Le système héraldique français« . Les femmes portent généralement les armes de leur père (sans brisure) ou celles de leur époux (également sans brisure). Nul besoin donc de créer, pour elles, des armes fantaisistes ou d’y introduire d’inacceptables brisures.

Or, voici ce que nous dit M. d’Andeville dans son entretien avec Marc Auchenne :

Q. L’année dernière, vous avez réalisé les armes de la duchesse d’Anjou. Comment avez-vous été choisi par la famille royale ?

R. La création à proprement parler (le travail d’héraldiste) a été réalisé par le baron Pinoteau et M. Papet-Vauban, qui connaissent bien leur sujet, mais qui ne dessinent pas. C’est naturellement que nous avons travaillé de concert et que l’idée a pris forme sous mes pinceaux.​

Enfin, pourriez-vous décrire et commenter les armoiries de la Princesse ?

​Les armoiries de la princesse se blasonnent ainsi : d’or, à trois fasces ondées d’azur, chargées de 6 marguerites au naturel, posées 3,2 et 1.

Les fasces ondées sont une référence à la famille de la princesse (les Vargas portent d’argent à trois fasces ondées d’azur, qui sont des armes parlantes : vargas = vagues). Les marguerites font référence à son prénom, et le nombre de 6​ ​à saint Augustin, et à ce que ce chiffre symbolise dans la bible : 6 est le chiffre de la Passion du Christ lui qui a souffert le vendredi, soit le 6ème jour de la semaine, considéré comme le chiffre de l’homme puisqu’il a été créé le sixième jour selon le premier récit de la création ; pour saint Augustin le chiffre 6 représente la perfection : « Dieu créa toutes choses en 6 jours parce que ce nombre est parfait ».

Disons-le tout net : nous fûmes attérés.

D’abord par le fait, certes un peu anecdotique, que les armes Vargas ne sont en aucune façon parlantes ! Vargas n’a jamais signifié  » vagues  » (OLA dans la langue de Cervantes) et, d’ailleurs, aucun généalogiste espagnol n’en connaît précisément l’origine…

Ensuite, le patronyme Vargas est très répandu tant en Espagne qu’en Amérique latine (la famille de la princesse est installée principalement au Venezuela) mais il reste vrai que les armes les plus fréquemment rencontrées dans la familles sont bien  » d’argent à trois fasces ondées d’azur « . A noter également que les brisures y sont rares.

Notons cependant que certains généalogistes hispano-américains ne rattachent pas la famille de la princesse à cette branche espagnole mais à une descendance du conquistador Alonso de Ojeda.

Alonso de Ojeda

Quoi qu’il en soit, si l’on accepte le rattachement aux Vargas ibériques, nul doute que le père de la princesse, Victor Vargas Irausquin (président et propriétaire du Banco Occidental de Descente -BOD- mais surtout troisième fortune du Venezuela) devrait porter  » d’argent à trois fasces ondées d’azur « . Ce que nous n’avons jamais constaté, dans aucune de ses activités.

C’est sans doute ce qui a mis mal à l’aise les créateurs de ces fameuses  » armoiries de la princesse « . Devant un tel faisceau…d’incertitudes, ils ont choisi la solution de la brisure :  » 6 marguerites au naturel, posées 3, 2 et 1  » en jouant sur le prénom de la princesse.

Erreur historique et faute héraldique !

Alors, la plus simple, comme toujours, n’est-elle pas la  meilleure solution ? Que la princesse Marie-Marguerite de Bourbon, duchesse d’Anjou, porte les armes de son époux (qui sont les plus illustres et les plus belles que l’on puisse rêver…)

D’azur à trois fleurs de lis d’or. 

Et l’Histoire comme la science des armoiries seront préservées de toute aventure malheureuse.

Le 16 juin 2017.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

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