Aux morts dus au Covid, n’oubliez pas d’ajouter ceux qui résulteront des déprogrammations…

1 Mar

Ceux qui nous lisent régulièrement savent que nous dénonçons depuis bientôt un an la gestion de la pandémie virale au Covid-19, en particulier lorsque les autorités nous parlent de « médecine de catastrophe » alors qu’il ne s’agit que de « médecine de pénurie » (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2020/12/09/la-main-sur-le-coeur-ils-nous-lavaient-jure/). Or, souvenez-vous, la main sur le coeur, les mêmes nous avez juré : « jamais nous ne trierons les malades » !

A l’hôpital Avicenne, à Bobigny – devenu à la faveur de la première vague au printemps 2020 l’un des « baromètres » de l’épidémie dans la région –, depuis trois semaines, les lits de réanimation ont été multipliés par trois pour les malades du Covid-19. « Actuellement, nous avons tous les jours 16 patients Covid en réanimation sur nos 32 lits, l’autre moitié étant occupée par d’autres malades », indique Yves Cohen, chef du service de réanimation.

Cinq lits « intermédiaires » ont en outre été ouverts en fin de semaine dernière pour accueillir des patients nécessitant une surveillance rapprochée. « C’est vraiment la dernière possibilité sur notre groupe hospitalier, car on n’a absolument aucun renfort d’infirmières ni de personnel médical, contrairement aux vagues précédentes », explique le professeur Cohen, qui redoute que le variant anglais ne prenne le dessus sur la souche historique dès la semaine prochaine, « où [ils]seron[t] alors totalement dépassés ». Plus que quelques jours à patienter…

Car qui dit variant plus contagieux dit plus de contaminations et donc d’hospitalisations ; mathématiquement, le chiffre des admissions en réanimation devrait lui aussi augmenter. « Ma vraie crainte, c’est de devoir trier les patients. Pour l’instant on arrive à ne pas refuser du monde en étant au maximum de nos possibilités, mais s’il y a une augmentation on ne pourra plus », s’inquiète le professeur Cohen.

Cette semaine, la plupart des établissements décrivent encore une situation d’entre-deux. A la Pitié-Salpêtrière, à Paris, qui affiche un taux d’occupation supérieur à 95 % depuis novembre 2020, les chiffres en hospitalisation conventionnelle traduisent « une augmentation réelle mais pas explosive pour l’instant », décrit Alain Combes, chef du service de réanimation. Même chose depuis trois semaines pour les admissions en réanimation, habituellement le dernier indicateur où s’observe une hausse exponentielle en cas d’explosion épidémique, en raison du décalage d’une dizaine, voire d’une quinzaine de jours avant d’y voir arriver les patients.

Mais, dans tous les départements d’Ile-de-France, on se tient prêt à basculer à très court terme, y compris dans ceux où la vague arrive en général un peu plus tard.« On est sur le qui-vive en permanence, tant les équipes soignantes que les patients, qui, conscients de pouvoir être déprogrammés, sont prêts. L’idée, c’est de ne pas partir trop tôt, car ça ne servirait pas à grand-chose, ni trop tard, pour ne pas être dépassé. L’enjeu est clairement là », décrit Sébastien Beaune, chef des urgences à l’hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), où le variant anglais « est devenu quasiment la routine ».

Avec un taux d’occupation aux alentours de 90 %, il reste une marge de manœuvre étroite. Mais pour combien de temps ? « On a déjà franchi un premier stade “inhabituel” en transformant depuis quinze jours quatre lits de soins continus en lits de réanimation. Un peu comme lors de la première vague, ce qui va être le plus complexe à gérer, ce sera les soins critiques, déjà extrêmement sollicités », anticipe l’urgentiste. Les craintes de se retrouver rapidement dépassé sont d’autant plus fortes que, contrairement à la première vague, le reste de l’activité hors Covid est encore « quasiment à la normale ».

Au centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui compte 60 % de patients Covid-19 en réanimation mais dont l’activité cancérologique notamment est très importante (surtout en Gynécologie et pathologie mammaire) , la question de la déprogrammation, notamment d’activités chirurgicales, se pose chaque jour afin de pouvoir mobiliser du personnel.

« On essaie de retarder au maximum cette décision, car ça signifie des pertes de chances, mais on commencera probablement la semaine prochaineindique Frédérique Schortgen, chef du service de réanimation, où 40 % environ des patients sont porteurs des variants britannique ou sud-africain. En cas de troisième vague, on partira d’un taux d’occupation déjà très élevé et on a du mal à imaginer ce que ça va donner si c’est une augmentation aussi brutale que la première vague. A l’époque, les services de réanimation étaient, au tout début, par chance, quasi vides, là ce ne sera pas du tout le cas. » Son établissement est contraint depuis dix jours de transférer des patients, « ce qui devient de plus en plus compliqué en Ile-de-France, car les services de réanimation sont en train de se saturer très vite ».

« Pour ouvrir les lits supplémentaires et avoir les ressources humaines nécessaires, il n’y a pas de secret, il faut en partie déprogrammer », souligne Aurélien Rousseau, de l’ARS Ile-de-France, qui estime qu’« il n’y aura pas un niveau uniforme de déprogrammation car les soignants vont se battre pour arriver à les limiter, mais tout cela est très dépendant des situations, hôpital par hôpital ». Surtout, face à cet horizon incertain, « il faut être prêt à prendre les décisions qui s’imposent en quelques heures ». Vous l’aurez compris, priez pour ne pas tomber malade d’autre chose que le Covid-19 et moins encore d’être atteint d’un cancer opérable d’emblée car… vous ne serez pas opéré.

Ajoutez-y des diagnostics retardés pour les mêmes raisons et soyez certains que la mortalité liée à ces affections va obligatoirement s’accroître dans les toutes prochaines années, s’ajoutant à celle du Covid aujourd’hui.

Le 1er mars 2021.

Pour le CER, Hippocrate, Conseiller à la santé publique.

Une Réponse to “Aux morts dus au Covid, n’oubliez pas d’ajouter ceux qui résulteront des déprogrammations…”

  1. alaintexier mars 1, 2021 à 7:26 #

    Hé oui, hélas !

Laisser un commentaire