Et si nous devions au coronavirus la mise à mort prochaine de l’euro ?

23 Mar
La précédente crise économico-financière de 2007-2012 avait presque réussi à mettre à bas la monnaie unique de l’Union européenne et il s’en est fallu d’un cheveu que nous en soyons débarrassés. Hélas, quelques acrobaties financières plus tard, l’euro était parvenu (assez diminué il est vrai) à sortir des soins intensifs que lui prodiguait la Banque centrale européenne (BCE). Il ne nous restait plus qu’à attendre la crise suivante…et nous y voilà.
A cause, bien sûr, du faramineux endettement public qui ne pourra pas ne pas résulter de la catastrophe sanitaire et donc économique que nous commençons à peine à vivre.

Les données sont déjà connues. Pour faire face au choc d’offre largement lié à notre sino-dépendance et au choc de la demande issu de la précaution des consommateurs, l’État a été contraint d’engager une politique dite contra-cyclique en injectant des milliards afin de soutenir la trésorerie des TPE et des PME, d’accorder des moratoires sur les charges sociales voire des dégrèvements fiscaux. De plus, pour un coût encore inconnu, l’État assume le coût du chômage partiel qui vise désormais environ 450 000 personnes. Et tout ceci pour une durée, elle aussi, inconnue.

Les garanties d’emprunts via BPI France vont atteindre plus de 300 milliards d’euros ce qui permet, par ricochet, d’assurer une qualité des bilans des banques qui pourront ainsi porter un effort de distribution de crédit sans précédent.

Hélas, la plupart des secteurs de l’économie sont à l’arrêt pour longtemps et la notion de chiffre d’affaires est souvent devenue une simple vue de l’esprit.

Hélas aussi, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a sévèrement raté son entrée en scène il y a 10 jours et n’a pas rassuré les marchés. Du coup, elle a décidé il y a deux jours un programme de rachat d’actifs de 750 milliards d’euros pour lutter contre les effets immédiats de la crise financière (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2020/03/22/la-bce-entre-efficience-et-illusions/). Cette somme d’importance vient se coaliser aux 120 milliards de la semaine passée. Donc son bilan, que la période 2008-2020 a déjà vu enfler, va continuer de se faire plus gros que le boeuf ! La contrepartie étant la confiance dans la monnaie commune dont la BCE est garante mais désormais pompier pyromane tant la création monétaire n’est plus qu’une parodie de la planche à billets du système de John Law et de ses trop célèbres assignats.

Car, on n’émet pas près de 9% du PIB de la zone euro en dettes, y compris à court terme, sans mettre en jeu la confiance des opérateurs locaux et internationaux qui savent tous que l’euro n’a pas réussi, depuis sa création, à devenir une monnaie de réserve (https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-frederic-rollin-comment-expliquer-la-baisse-de-l-euro-face-aux-autres-devises-2502-1225336.html).

Cette sorte de  » No limits  » de Christine Lagarde traduit le manque d’ingénierie publique bancaire de la BCE et s’en remet à des outils tellement frustres qu’ils laissent un espace béant pour que la spéculation anti-euro puisse se déployer. Et même si les spreads ( l’écart avec le taux allemand ) se sont momentanément resserrés ( notamment pour l’Italie ), ce bon point ne sera, hélas, que provisoire.

Quand les différents instituts publics de statistiques parleront récession, chiffres en mains, et effondrement des productions, le grand bal de la destruction de valeurs commencera car chaque opérateur comprendra que nous sommes loin de la fameuse phrase que l’éminent Jacques Rueff avait réservé aux seuls États-Unis du fait de la suprématie du dollar :  » le déficit sans pleurs « . Nos incontournables déficits auront un prix, celui de la dépréciation de la monnaie commune. Et non de sa dévaluation qui supposerait un acte juridique collectif concerté.

Pour ceux qui doutent de cette éventualité, qu’ils relisent certains analystes financiers qui avaient récemment juré que jamais le CAC ne perdrait plus de 20% (il est en repli de 32% depuis le 31 décembre 2019…).

L’arme de l’endettement public a donc été dégainée mais elle n’emportera pas la conviction définitive de nos créanciers trop inquiets de la dilution partielle de nos structures de production. Un créancier doit être mis en confiance au moyen des revenus futurs de son débiteur ( notre PIB de demain ) ou de l’épargne privée qui sert de caution dormante mais bel et bien tangible. Hélas…

S’agissant des italiens par exemple, ils étaient déjà en récession avant la crise du Covid-19 et présentaient une configuration économique ( plus de 135,3% de dette sur PIB ) très préoccupante. Ce qui va être terrible, en 2021, c’est qu’on va rapporter un stock nominal de dettes à un PIB très entamé.

En pure arithmétique, le ratio va se dégrader et impressionner les observateurs. Idem pour les autres pays, y compris le notre aux mains de Messieurs Macron et Le Maire, souvent au prix d’injonctions contradictoires pénalisantes.

Lorsque le temps sera venu de faire les comptes et de repartir de l’avant, l’UE va se heurter au même hiatus que lors de la première crise de l’euro survenue il y a dix ans. Il y aura la ligne des habituels inflexibles qui exigeront des plans d’austérité (pourtant nuisibles pour la croissance comme l’a montré l’exemple grec ou le début du quinquennat Hollande et son sévère matraquage fiscal). Il y aura, à l’opposé, ceux qui militeront pour une trajectoire plus raisonnable mais graduelle des finances publiques afin de respecter les délais de rééducation fonctionnelle de nos économies fort endolories. Quand on vient de subir un choc séculaire, on peut se donner dix ans pour se remettre d’aplomb.

Malheureusement, il est probable que l’Union européenne sera incapable de parvenir à un accord d’envergure.

Dans le test de Rorschach (https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Rorschach) que nous inflige le coronavirus, les différents pays ne voient pas les mêmes représentations historiques et les mêmes images financières. Ainsi, l’Allemagne rêve de créer quelque chose avec son Hinterland et quand l’Histoire lui présentera le prix de la solidarité européenne, elle mettra peut-être à exécution ses rêves de MittelEuropa reposant sur plus de 160 millions de citoyens plutôt que de faire preuve de solidarité.

Depuis deux mois, l’euro est devenu une espèce menacée et même en début d’extinction. Ne serait-ce pas là la seule bonne nouvelle de ces temps de malheur ?

Le 23 mars 2020.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

2 Réponses to “Et si nous devions au coronavirus la mise à mort prochaine de l’euro ?”

  1. Hervé J. VOLTO mars 23, 2020 à 12:07 #

    ET POURQUOI PAS UNE EUROPE MONARCHIQUE ET CHRETIENNE ?
    https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2019/10/03/une-analyse-de-notre-ami-herve-j-volto/

  2. Paul-Emic mars 24, 2020 à 1:34 #

    il n’y a pas que l’Euro qui va sauter, l’UE devrait suivre aussitôt après et tout le système politique mis en place depuis 45 devrait suivre dans la foulée. si les USA sont gravement touchés, c’est tout l’hémisphère nord qui part en eau de boudin

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