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Vingt ans après : un sondage sur l’euro qui en dit plus long qu’il y paraît.

13 Déc

Le 1er janvier 1999, onze pays de l’Union européenne lançaient officiellement leur nouvelle monnaie, l’euro. Sa circulation sera virtuelle jusqu’à l’introduction, trois ans plus tard, des billets et des pièces. Le taux de conversion retenu est calqué sur la valeur de marché au 31 décembre 1998 de son ancêtre, l’Ecu. Pour la France, ce sera 6,56 francs pour un euro. Bizarre ce taux bancal ? Sans doute mais ce n’est pas sans raison. Car, dans leur volonté de « faire du passé table rase« ,  les eurocrates militants ont osé imaginer que la difficulté du calcul découragerait rapidement les velléités de conversion des consommateurs et faciliterait d’autant son adoption

Mais la mémoire collective peut être longue. Vingt ans après, les Français n’ont pas oublié le franc. Plus de la moitié d’entre eux (54 %) convertissent encore les euros en francs dans leurs dépenses quotidiennes, selon le sondage Ipsos-Sopra Steria effectué pour Lire l’économie et Le Monde à l’occasion de la remise, mercredi 12 décembre, du 20e prix du livre d’économie.

Plus surprenant encore, 45 % des adultes de moins de 35 ans, qui avaient donc moins de 15 ans à l’époque, se livrent à cet exercice. Rappelons néanmoins que trente ans après le passage de l’ancien au nouveau franc, le 1er janvier 1960, nombre de consommateurs, dont certains n’étaient pas nés à cette époque, se référaient toujours à cette monnaie perdue. En quelque sorte, le franc a remplacé l’ancien franc dans l’imaginaire collectif du « temps d’avant ».

Ce passé rend visiblement les Français nostalgiques, voire mélancoliques. Le mouvement des « gilets jaunes » vient nous le rappeler violemment. Le sujet principal reste le même : le pouvoir d’achat. Plus des trois quarts des personnes interrogées jugent que l’euro a eu un impact négatif sur celui-ci. Le mouvement est encore plus massif quand on évoque la hausse des prix (82 %).

Malgré ce que leur racontent les économistes eurolâtres, le ressenti des Français se porte sur les hausses qu’ils observent tous les jours (alimentation) ou les très grosses dépenses (logement, voiture). Et ils constatent qu’ils ont moins de moyens qu’auparavant.

Dès lors, on comprend mieux la popularité, dans l’opinion publique, des revendications des « gilets jaunes ». A noter tout de même la sensibilité particulière de ce thème en fonction des appartenances politiques. La quasi-totalité (98 %) des sympathisants du Rassemblement national (RN, ex-Front national) trouvent que leur propre pouvoir d’achat s’est dégradé depuis la mise en place de l’euro. C’est plus que les sympathisants de La France insoumise (LFI, 76 %) ou des Républicains (LR, 71 %), alors que seuls 45 % des proches de La République en Marche (LRM) sont de cet avis. Il est donc peu surprenant que seule une minorité de Français (37 %) estime que l’euro a joué un rôle protecteur dans la crise financière de 2008.

Pièce grecque de deux euros. Tout un symbole 

Compte tenu d’un tel jugement négatif, on pourrait s’imaginer qu’une majorité de nos compatriotes basculerait dans l’euroscepticisme, voire militerait pour un retour au franc. Ce n’est pourtant pas le cas : ils ne sont que 33 % à se déclarer favorables à la sortie de la France de la zone euro. Un pourcentage néanmoins en croissance, puisqu’ils étaient 28 % à le souhaiter en 2014. Serait-ce une autre forme du syndrome de Stockholm ?…


Comprenne qui pourra !

Là encore, les clivages sont très nets et recoupent aussi les opinions sur le pouvoir d’achat. Près de 75 % des sympathisants RN sont pour une sortie, contre seulement 40 % de ceux qui soutiennent LFI. En revanche, le soutien à l’euro est massif du côté des retraités (75 %), des diplômés (78 %) et des sympathisants PS, LR ou LRM, tous au-delà de 80 %.

Les Français jugent donc sévèrement le bilan de l’euro, mais ne veulent pas en sortir. Pour eux, un retour en arrière serait encore plus complexe à gérer et probablement néfaste. Moins d’un quart (23 %) jugent possible une sortie de l’euro. Même les sympathisants RN ne sont que 37 % à juger qu’un retour au franc est probable, voir certain, au cours des dix prochaines années.

Mais l’explication de ce paradoxe est très simple : depuis vingt ans, pas un responsable politique, pas une autorité prétendument économique (les fameux experts dont les prévisions sont aussi fiables que celles de madame Irma…et encore), pas un seul média qui ne martèle chaque jour que

l’euro, c’est pour toujours

en sortir…c’est faire un four

Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la campagne aussi folle que calomnieuse contre le « Brexit » (la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne).

En revanche, plus de trois quarts des Français, pour beaucoup enfants adultérins d’Homo festivus,reconnaissent l’impact très positif de l’euro sur les possibilités de se déplacer en Europe et donc sur le tourisme ! Car, grâce à l’euro, fini les formalités de change monétaire que ces hédonistes, nonchalants pour ne pas dire tires-au-flanc, détestaient. En voici la preuve :

Son premier succès, placé très loin devant tous les autres, est d’avoir facilité les possibilités de déplacement et de tourisme sur le Vieux Continent…Viennent ensuite les normes alimentaires et industrielles visant à protéger les consommateurs (dont on sait pourtant qu’elles font l’objet d’ignobles trafics avec les lobbys industriels), la lutte contre le terrorisme et l’environnement (alors que chaque jour prouve l’incapacité de l’Union à régler ces problèmes). En revanche, des sujets majeurs, au cœur des politiques communes depuis des décennies, comme la politique agricole, l’éducation ou la recherche arrivent en queue de peloton. Tout cela prouve que les Français n’ont pas encore tout compris aux réalités et au fonctionnement de l’Union européenne comme de sa monnaie !

Hélas, les Français ont élu un proeuropéen convaincu à la présidence de la République, et commencent seulement à prendre la mesure de leur erreur. Ainsi, il n’y a pas d’Europe fédérale dans leur esprit, mais une Europe des Etats et seulement 25 % des personnes interrogées souhaitent donner plus de pouvoir aux institutions de l’UE. Mais, « en même temps », elles sont 59 % à s’inquiéter de la montée des europhobes sur le continent.

Non, décidément, nos compatriotes n’ont pas encore tout compris aux maléfices d’Europe.

Le 13 décembre 2018.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

L’Europe manque de vaccins. Et après ?

3 Avr

Dans une interview à l’Express, le Français Stéphane Bancel, patron du laboratoire américain Moderna, a déploré le peu de commandes de l’Union européenne (UE) pour son vaccin, homologué ce mercredi sur le continent et n’a pas mâché ses mots contre l’UE. Mi-novembre, Stéphane Bancel critiquait déjà,  sur BFM Business, le manque de financement de l’UE. Cette fois, il critique vertement le « tropisme européen » qui favorise les laboratoires européens au détriment de Moderna et surtout la lenteur des discussions pour les commandes. Les Slovaques en savent quelque chose ! (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/04/01/nous-laffirmons-une-fois-encore-lunion-europeenne-est-une-association-de-malfaiteurs/)

« Entre juin et août, il ne s’est rien passé. Les discussions ont repris à la fin de l’été et le contrat a été signé fin novembre » explique-t-il dans une interview à l’Express. « Pour vous donner une idée, au Canada, entre les premières réunions scientifiques et médicales et la signature du contrat cet été, il s’est écoulé deux semaines. »

« L’équation industrielle ne colle pas avec la lenteur de l’administration européenne » résume-t-il, soulignant que son laboratoire ne pourra fournir l’Europe (qui avait commandé 80 millions de doses et vient d’en commander encore 80 millions) qu’au compte-goutte.

« Depuis la création de l’entreprise il y a 10 ans, nous avons investi près de 3 milliards de dollars et nous n’avons jamais vendu un seul produit ni obtenu le moindre centime de résultat. Il était important de générer du cash pour continuer à investir et à développer d’autres vaccins, d’autres traitements » se défend Stéphane Bancel.

« Si nous avions eu une commande de 300 millions de l’Europe bien plus tôt, nous nous serions organisés pour cela » insiste Stéphane Bancel qui met désormais la pression sur Bruxelles : « si l’Europe voulait davantage de vaccins pour la fin d’année 2021, il faudrait les commander dès maintenant. L’anticipation est cruciale. L’Europe en manque actuellement.«  Reste pourtant que le vaccin de Moderna est le plus cher du marché.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle si peu de commandes ont été réalisées par l’Europe, alors que le vaccin d’AstraZeneca, livré depuis février, est au contraire l’un des moins chers du marché. Encore faut-il ne pas oublier que celui de Moderna est particulièrement innovant (comme celui de Pfizer-BioNtech) tandis que celui d’AstraZeneca fait appel à une méthode classique, certes éprouvée mais déjà ancienne.

Bref, si vous comptez sur l’UE pour récompenser l’innovation, négocier raisonnablement les prix des médicaments, se préoccuper véritablement des besoins de la population et fournir dans les délais les plus brefs les moyens d’une prophylaxie efficace contre la pandémie virale… vous irez de déception en amertume et de consternation en colère.

Le 3 avril 2021.

Pour le CER, Hippocrate, Conseiller à la santé publique.

Malgré les promesses que l’on nous a faites en 2002, l’Euro n’est jamais parvenu à devenir une monnaie de réserve.

12 Juin

L’instauration d’une monnaie unique en Europe avec la création de la zone euro fut, en soi, une imposture. En voici la preuve. Que ne nous avait-on pas promis dans ce domaine…Et que ses concepteurs n’ont-ils pas utilisé comme subterfuges pour faire croire aux citoyens européens qu’il s’agissait du nouvel « horizon indépassable de notre temps » !

Entre autres mensonges, on nous affirma que l’euro deviendrait rapidement la deuxième monnaie de réserve du monde avec le dollar. Que croyez-vous qu’il arriva ?

Depuis un mois, avec le rebond de la Bourse et des marchés financiers, les capitaux reviennent certes lentement vers la zone euro. Mais les deux premiers mois de la pandémie en Europe ont mis en évidence la faiblesse de la monnaie unique. Pendant cette période de panique, les capitaux du monde entier sont partis vers le dollar, qui reste plus que jamais la monnaie reine.

Mardi 9 juin, la Banque centrale européenne (BCE), qui a publié son rapport annuel sur le rôle international de la monnaie unique, est venue confirmer en creux ce constat. Ce document se penche sur l’année 2019, avant la pandémie, mais rappelle que la « part de marché » de l’euro – que ce soit pour les réserves financières, le libellé des contrats, les prêts internationaux… – s’effrite depuis une décennie. Cette part avait atteint 24 % avant la crise financière de 2008. Elle est désormais de 19 %.

Certes, « l’euro reste la deuxième monnaie la plus utilisée au monde », souligne le rapport, très loin devant le yen japonais et le renminbi chinois. Mais face au dollar, il reste un poids plume. Le billet vert représente 60 % des réserves financières de devises, trois fois plus que l’euro. La proportion est à peu près la même pour les prêts internationaux et les dettes internationales, qui sont majoritairement libellées en dollars. La seule catégorie où l’euro a une part de marché proche du billet vert est celle des paiements, avec 35 % contre 42 %.

L’illustration la plus évidente de la domination du dollar est arrivée dimanche 15 mars. Les marchés étaient alors en train de dévisser, et la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé d’asséner un grand coup : elle a réduit ses taux d’intérêt à une fourchette entre 0 % et 0,25 %, et a annoncé une enveloppe de 700 milliards de dollars d’achat d’actifs (620 milliards d’euros). En parallèle, l’ensemble des grandes banques centrales – BCE, banques d’Angleterre, du Japon, de Suisse et du Canada – ont annoncé la création de nouvelles lignes de « swaps » en dollars. Derrière le jargon, il s’agit tout simplement de lignes de crédits en dollars que les banques centrales étrangères peuvent utiliser, en échange de leur propre monnaie.

Cette mesure d’urgence était nécessaire pour assouvir la soif de dollars de nombreuses entreprises et d’investisseurs à travers le monde, qui se trouvaient soudainement à court de liquidités. Pourquoi ce besoin de billets verts ? En partie, parce qu’il s’agit de la principale monnaie utilisée pour le commerce international. Face aux chaînes logistiques qui étaient asphyxiées par la pandémie et le confinement, c’était la devise la plus demandée. Mais en partie, il s’agissait aussi d’une question de confiance.

Le dollar reste la valeur refuge par excellence, alors que l’euro a traversé une crise existentielle il y a seulement quelques années. « Pendant la pandémie, le dollar a réaffirmé avec force son rôle de monnaie suprême », écrivait en avril Pierre Ortlieb, économiste à l’Official Monetary and Financial Institutions Forum (Omfif), un groupe de réflexion spécialisé sur les banques centrales.

Ce rôle central est rendu possible par l’action de la Fed, qui intervient systématiquement à chaque crise. « Elle a repris son rôle de 2008 », explique Robert Dohner, un ancien économiste du Trésor américain, dans un article publié par l’Omfif. « La Réserve fédérale reconnaît depuis longtemps que les économies américaine et internationales sont profondément entremêlées, et ce qui se passe à l’étranger affecte l’emploi, l’inflation et la stabilité financière aux Etats-Unis. » Elle sert donc, sans l’avouer officiellement, de prêteur international en dernier recours.

Interrogée lundi 8 juin par la commission des affaires économiques et monétaires du parlement européen, Christine Lagarde, la présidente de la BCE, se disait sensible au sujet. Selon elle, renforcer le rôle international de l’euro nécessite d’accélérer les réformes en cours.(comme au bon vieux temps du communisme : « Ça ne marche pas ? C’est parce qu’il n’y a pas assez de communisme. Il en faut donc davantage !« ).

La première est la création du fonds de relance pour faire face à la pandémie, actuellement en discussion. Si celui-ci voyait le jour, il permettrait à la commission européenne de venir en aide aux pays les plus touchés par le Covid-19, ce qui équilibrerait un peu mieux les économies des pays de la zone euro et repousserait le spectre d’une nouvelle crise de la monnaie unique.

Mme Lagarde pousse aussi au développement du marché des capitaux européens. En zone euro, les entreprises se financent essentiellement auprès des banques, pas sur les marchés. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose, mais cela rend les marchés financiers moins gros et moins liquides, et donc moins attirants pour les investisseurs internationaux. Une directive sur les marchés de capitaux européens est en discussion depuis des années, mais ses progrès sont lents. « La pandémie du Covid-19 souligne l’urgence de ces réformes, qui sont essentielles pour améliorer l’attractivité de l’euro internationalement », continue Mme Lagarde.

M. Dohner souligne cependant que le système actuel a ses avantages. « Bien sûr, il va y avoir des plaintes contre l’hégémonie du dollar et des appels à ce que le monde dépende moins du dollar. Mais l’alternative est un système avec de nombreuses devises, sans personne sur qui on puisse compter en cas de crise financière majeure. On peut débattre de savoir si les Etats-Unis sont encore une nation incontournable. Mais il est clair qu’en cas de crise, la Réserve fédérale reste la banque centrale incontournable. » Si l’euro finissait par gagner en parts de marché et s’imposer comme monnaie internationale, la BCE sera-t-elle prête à jouer le même rôle ?

Bien sûr que non. Et le ferait-elle qu’elle ne serait probablement pas suivie par les Etats de la planète tant l’usine à gaz de l’Union européenne inspire peu confiance…

Surtout avec ce qui s’annonce chez nous !

Le 12 juin 2020.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

Et si nous devions au coronavirus la mise à mort prochaine de l’euro ?

23 Mar
La précédente crise économico-financière de 2007-2012 avait presque réussi à mettre à bas la monnaie unique de l’Union européenne et il s’en est fallu d’un cheveu que nous en soyons débarrassés. Hélas, quelques acrobaties financières plus tard, l’euro était parvenu (assez diminué il est vrai) à sortir des soins intensifs que lui prodiguait la Banque centrale européenne (BCE). Il ne nous restait plus qu’à attendre la crise suivante…et nous y voilà.
A cause, bien sûr, du faramineux endettement public qui ne pourra pas ne pas résulter de la catastrophe sanitaire et donc économique que nous commençons à peine à vivre.

Les données sont déjà connues. Pour faire face au choc d’offre largement lié à notre sino-dépendance et au choc de la demande issu de la précaution des consommateurs, l’État a été contraint d’engager une politique dite contra-cyclique en injectant des milliards afin de soutenir la trésorerie des TPE et des PME, d’accorder des moratoires sur les charges sociales voire des dégrèvements fiscaux. De plus, pour un coût encore inconnu, l’État assume le coût du chômage partiel qui vise désormais environ 450 000 personnes. Et tout ceci pour une durée, elle aussi, inconnue.

Les garanties d’emprunts via BPI France vont atteindre plus de 300 milliards d’euros ce qui permet, par ricochet, d’assurer une qualité des bilans des banques qui pourront ainsi porter un effort de distribution de crédit sans précédent.

Hélas, la plupart des secteurs de l’économie sont à l’arrêt pour longtemps et la notion de chiffre d’affaires est souvent devenue une simple vue de l’esprit.

Hélas aussi, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a sévèrement raté son entrée en scène il y a 10 jours et n’a pas rassuré les marchés. Du coup, elle a décidé il y a deux jours un programme de rachat d’actifs de 750 milliards d’euros pour lutter contre les effets immédiats de la crise financière (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2020/03/22/la-bce-entre-efficience-et-illusions/). Cette somme d’importance vient se coaliser aux 120 milliards de la semaine passée. Donc son bilan, que la période 2008-2020 a déjà vu enfler, va continuer de se faire plus gros que le boeuf ! La contrepartie étant la confiance dans la monnaie commune dont la BCE est garante mais désormais pompier pyromane tant la création monétaire n’est plus qu’une parodie de la planche à billets du système de John Law et de ses trop célèbres assignats.

Car, on n’émet pas près de 9% du PIB de la zone euro en dettes, y compris à court terme, sans mettre en jeu la confiance des opérateurs locaux et internationaux qui savent tous que l’euro n’a pas réussi, depuis sa création, à devenir une monnaie de réserve (https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/jacques-sapir-vs-frederic-rollin-comment-expliquer-la-baisse-de-l-euro-face-aux-autres-devises-2502-1225336.html).

Cette sorte de  » No limits  » de Christine Lagarde traduit le manque d’ingénierie publique bancaire de la BCE et s’en remet à des outils tellement frustres qu’ils laissent un espace béant pour que la spéculation anti-euro puisse se déployer. Et même si les spreads ( l’écart avec le taux allemand ) se sont momentanément resserrés ( notamment pour l’Italie ), ce bon point ne sera, hélas, que provisoire.

Quand les différents instituts publics de statistiques parleront récession, chiffres en mains, et effondrement des productions, le grand bal de la destruction de valeurs commencera car chaque opérateur comprendra que nous sommes loin de la fameuse phrase que l’éminent Jacques Rueff avait réservé aux seuls États-Unis du fait de la suprématie du dollar :  » le déficit sans pleurs « . Nos incontournables déficits auront un prix, celui de la dépréciation de la monnaie commune. Et non de sa dévaluation qui supposerait un acte juridique collectif concerté.

Pour ceux qui doutent de cette éventualité, qu’ils relisent certains analystes financiers qui avaient récemment juré que jamais le CAC ne perdrait plus de 20% (il est en repli de 32% depuis le 31 décembre 2019…).

L’arme de l’endettement public a donc été dégainée mais elle n’emportera pas la conviction définitive de nos créanciers trop inquiets de la dilution partielle de nos structures de production. Un créancier doit être mis en confiance au moyen des revenus futurs de son débiteur ( notre PIB de demain ) ou de l’épargne privée qui sert de caution dormante mais bel et bien tangible. Hélas…

S’agissant des italiens par exemple, ils étaient déjà en récession avant la crise du Covid-19 et présentaient une configuration économique ( plus de 135,3% de dette sur PIB ) très préoccupante. Ce qui va être terrible, en 2021, c’est qu’on va rapporter un stock nominal de dettes à un PIB très entamé.

En pure arithmétique, le ratio va se dégrader et impressionner les observateurs. Idem pour les autres pays, y compris le notre aux mains de Messieurs Macron et Le Maire, souvent au prix d’injonctions contradictoires pénalisantes.

Lorsque le temps sera venu de faire les comptes et de repartir de l’avant, l’UE va se heurter au même hiatus que lors de la première crise de l’euro survenue il y a dix ans. Il y aura la ligne des habituels inflexibles qui exigeront des plans d’austérité (pourtant nuisibles pour la croissance comme l’a montré l’exemple grec ou le début du quinquennat Hollande et son sévère matraquage fiscal). Il y aura, à l’opposé, ceux qui militeront pour une trajectoire plus raisonnable mais graduelle des finances publiques afin de respecter les délais de rééducation fonctionnelle de nos économies fort endolories. Quand on vient de subir un choc séculaire, on peut se donner dix ans pour se remettre d’aplomb.

Malheureusement, il est probable que l’Union européenne sera incapable de parvenir à un accord d’envergure.

Dans le test de Rorschach (https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Rorschach) que nous inflige le coronavirus, les différents pays ne voient pas les mêmes représentations historiques et les mêmes images financières. Ainsi, l’Allemagne rêve de créer quelque chose avec son Hinterland et quand l’Histoire lui présentera le prix de la solidarité européenne, elle mettra peut-être à exécution ses rêves de MittelEuropa reposant sur plus de 160 millions de citoyens plutôt que de faire preuve de solidarité.

Depuis deux mois, l’euro est devenu une espèce menacée et même en début d’extinction. Ne serait-ce pas là la seule bonne nouvelle de ces temps de malheur ?

Le 23 mars 2020.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

Le Conseil de l’Europe lève les sanctions contre la Russie et mange son chapeau.

27 Juin

Vladimir Poutine a gagné. Après que la Russie ait été stupidement exclue de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2014, à la suite de l’affaire de Crimée, la voici enfin réintégrée dans tous ses droits.

Après deux cent vingt-deux amendements déposés, plus de neuf heures de débats, des groupes politiques divisés et des noms d’oiseaux échangés dans une Assemblée d’ordinaire habituée aux discussions feutrées menées dans un relatif anonymat. Certes attendu, le vote entérinant le retour de la Russie au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), lundi 24 juin, a ébranlé cette institution, distincte de l’Union européenne, où se côtoient les parlementaires envoyés par 47 Parlements nationaux. La décision a provoqué une réaction quasi immédiate de l’Ukraine, qui a annoncé mardi matin suspendre sa participation aux travaux de l’APCE, en guise de protestation.

La motion préparant le retour au sein de l’Assemblée de la délégation russe – délestée des sanctions adoptées contre elle en 2014, à la suite de l’annexion de la Crimée et de la guerre dans le Donbass – a finalement été adoptée dans la nuit par 118 voix contre 62 (10 abstentions). Ces sanctions sans composante économique (comme la privation des droits de vote des représentants russes) avaient conduit la Russie à suspendre sa participation à l’Assemblée ainsi qu’à cesser de verser sa cotisation. Moscou menaçait aussi régulièrement de quitter définitivement l’institution strasbourgeoise.

C’est principalement ce risque, avec comme conséquence celui de priver les citoyens russes d’accès à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), organe lié au Conseil de l’Europe, qui a été mis en avant par les orateurs favorables au retour russe. De même que le vide financier créé par son éventuel départ ou le besoin de maintenir l’unité d’une organisation qui fête ses 70 ans d’existence.

« Ici, nous ne traitons pas de géopolitique, les valeurs que nous défendons sont les valeurs des droits de l’homme », a fait valoir la secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Amélie de Montchalin, en ouverture de séance, alors que Paris occupe la présidence tournante du Conseil. « Il ne s’agit pas d’un débat pour ou contre la Russie. (…) Les sanctions n’ont pas été efficaces », l’a appuyée la rapporteuse du texte, la sénatrice belge Petra De Sutter.

En face, la guérilla institutionnelle des opposants à cette levée des sanctions (pour l’essentiel ukrainiens, britanniques et représentants de l’est du continent) n’a fait que retarder l’échéance. Le dépit des représentants ukrainiens n’a pas davantage pesé. Leur chef de file, Volodymyr Ariev, a dénoncé un « festival d’hypocrisie » et rappelé que Moscou n’applique que rarement les jugements de la CEDH ; un autre prévenait que l’APCE perdait sa crédibilité, après avoir elle-même fixé par le passé les conditions pouvant conduire à un assouplissement des sanctions – conditions non remplies en Crimée comme dans le Donbass.

Sans attendre le résultat des votes, la délégation russe a décollé de Moscou dans la soirée. « Nous allons à Strasbourg pour aider nos partenaires à surmonter la crise qui mine l’institution, qui semble s’ennuyer de nous, sans pays à accuser de tous les maux… Aucune question en Europe ne peut être résolue sans le pays le plus grand », commentait, sur le chemin de l’aéroport, Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma (la Chambre basse du Parlement russe) et membre de la délégation. Celle-ci devait être en mesure de participer dès mercredi à l’élection du nouveau secrétaire général.

Parmi les dix-huit membres de cette délégation, quatre font l’objet de sanctions de la part de l’Union européenne et sont donc théoriquement interdits d’entrée sur le sol européen. Non encore dévoilée, la liste des suppléants pourrait contenir des élus représentant la Crimée annexée, confirme M. Tolstoï : « Comment examiner les droits humains en Crimée sans ses représentants ? L’empêcher reviendrait à interdire les élus venant des territoires de l’ex-RDA ! »

Le texte adopté lundi rend aussi plus difficile, à l’avenir, l’imposition d’éventuelles futures sanctions contre des pays membres. La responsabilité d’une telle mesure serait à l’avenir partagée par différents organes du Conseil de l’Europe, et non plus par la seule Assemblée parlementaire. Selon Konstantin Kosatchev, chef du comité aux affaires internationales du Conseil de la Fédération, l’APCE « reconnaît ainsi ses erreurs passées vis-à-vis de la Russie ».

Dans la même tonalité, les médias russes évoquaient eux aussi une « victoire »symbolique, qui pourrait en préfigurer d’autres. Piotr Tolstoï assurait de son côté, lundi soir : « Quand le dialogue est renoué, il n’y a pas de perdant. » Ce qui n’empêchait pas le député de répondre à ceux qui demandent désormais un geste à la partie russe, comme une libération de prisonniers ukrainiens : « Notre retour est déjà un geste. »

Vladimir Poutine est un joueur d’échecs de haut niveau. A côté de lui, l’Union européenne et ses sbires ne jouent…qu’aux dames ! Ils n’ont aucune chance de gagner.

Le 27 juin 2019.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

L’euro : une terrible calamité infligée aux Européens mais aux Français en particulier.

3 Mar

Faute de pouvoir mettre en oeuvre, chaque fois que nécessaire, l’arme de la dévaluation au sein de la zone euro, les pays membres ayant des difficultés en matière de compétitivité sont les grands perdants de l’euro, Italie et France en tête.(on connaît bien sûr les causes structurelles de ce défaut de compétitivité : pression fiscale sur les entreprises et le travail, investissements insuffisante au profit des bénéfices, main d’oeuvre insuffisamment qualifiée et formation défaillante, etc.).

Qui veut tirer les bénéfices d’une adhésion à la zone euro doit donc nécessairement muscler son économie (et ce n’est pas en accueillant toute la misère du monde que l’on peut espérer y parvenir), sinon appartenir au club se révèle très coûteux sur le long terme, car l’arme de la dévaluation n’est plus une option pour améliorer artificiellement sa compétitivité. C’est ce qui ressort d’une étude publiée, lundi, par le Centre d’études de politique européenne (CEP) basé à Fribourg, selon laquelle seuls l’Allemagne et les Pays-Bas ont véritablement gagné au change. A l’inverse, la France et l’Italie sont les deux plus gros perdants.

Entre 1999 et 2017, l’introduction de l’euro aurait fait gagner à l’Allemagne 280 milliards d’euros de PIB, soit 3.390 euros par habitant. Au Pays-Bas, le gain représenterait 19 milliards d’euros, soit 1.116 euros par habitant. A contrario, le manque à gagner atteindrait 374 milliards d’euros pour le PIB français, soit 5.570 euros par habitant. Pour l’Italie, la facture serait même de 530 milliards d’euros, soit une perte de 8.756 euros par habitants.

Euro : les gagnants et les perdants de la monnaie unique

Pour parvenir à ces chiffres, le CEP a utilisé la « méthode de contrôle synthétique », qui permet de quantifier l’impact d’une mesure politique – l’introduction de l’euro en l’occurence – sur une valeur donnée, soit le produit intérieur brut (PIB) par habitant.

Le think tank a ainsi calculé le PIB fictif que chaque pays membre aurait enregistré sans adopter l’euro, sur la base de l’évolution d’une cohorte de huit pays non-membres de la zone euro. Pour chaque pays étudié, cette cohorte diffère car il s’agit d’avoir une évolution économique la plus comparable possible dans les années ayant précédé l’introduction de la monnaie unique.

La Grèce présente  un profil singulier car l’étude obtient un gain de 2 milliards d’euros pour son PIB, soit 190 euros par habitants depuis l’introduction de la monnaie unique. En réalité, le pays a massivement profité de son adhésion dans les premières années, mais la tendance s’est inversée depuis 2011, effaçant quasiment tous les gains au fil des dernières années.

L’Espagne est sans doute le meilleur exemple de l’impact des réformes. Comme la Grèce elle a commencé d’effacer ses gains en 2011 mais, depuis 2015, elle  réduit progressivement son manque à gagner , actuellement de 1.448 euros par habitant, contre 2.428 euros en 2014.

Quant à la France, vous l’aurez compris, quelle erreur que d’être entré dans cette association de malfaiteurs ! Et vous l’aurez compris aussi, il est urgent de prendre exemple sur le Royaume-Uni…

Le 3 mars 2019.
Pour le CER, Jean-Yves Pons.

L’euro vingt ans après : une calamité dont nous aurions pu faire…l’économie.

4 Jan

C’est la chose la plus folle et la moins utile que les Européens ont construite ensemble ! La plus utopique, aussi : renoncer à leurs monnaies respectives, symboles de leur identité nationale, pour faire devise commune. Et c’est sans doute pour cela que c’est l’un des échecs les plus cuisants qu’ils aient eu à connaître, malgré les louanges qu’ils s’adressent pour mieux cacher leur erreur.

Au départ, l’idée est apparue à beaucoup comme tout à fait louable : la meilleure façon de renforcer leurs liens économiques et de pousser un peu plus loin encore le rêve européen, bâti sur les cendres de la seconde guerre mondiale. Et, le 1er janvier 1999, après des années de préparation, onze pays (ils sont aujourd’hui dix-neuf) ont adopté l’euro pour les transactions financières. En 2002, les ménages ont sauté le pas à leur tour, avec les pièces et billets. Non pas de gaité de coeur mais parce qu’on ne leur en a pas laissé le choix.

Vingt ans plus tard, où en sommes-nous ? Entre les eurolâtres qui en dressent le bilan le plus favorable et les autres…qui le sont moins le sujet divise manifestement les économistes. Mais, après tout, sont-ils les mieux placés pour donner leur avis, ces experts qui n’ont cessé de se tromper depuis vingt ans ?

« C’est une grande réussite », assure Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), qui a été l’un de ses artisans et dont on n’attend évidemment pas qu’il se déjuge à soixante-seize ans. « Adopter l’euro au sein d’économies aussi différentes a été une erreur », tranche Romain Rancière, économiste à l’université de Californie du Sud. « Disons que c’est un succès en demi-teinte, il n’a pas tenu toutes ses promesses », nuance Francesco Saraceno avec la langue de bois et le sens de l’euphémisme de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) !

Pas étonnant que les diagnostics divergent autant. Car il faut bien dire qu’elle n’a été que ce que ses promoteurs et autres utilisateurs en ont fait. Notamment en France et en Italie, où on la rend responsable d’un certain nombre de difficultés relevant, en réalité, des errements des gouvernements successifs ou des faiblesses anciennes du tissu industriel. De plus, la crise de 2008 a tout chamboulé. Mais justement, c’est là la principale faiblesse de l’euro : contrairement aux promesses de sa création, la monnaie unique n’a pas été capable d’empêcher cette crise pas plus que ses conséquences que nous payons encore.

Hélas, les derniers sondages de la Commission européenne (authentiques ou « arrangés » ?) montrent que la majorité des 340 millions de citoyens des dix-neuf Etats membres sont très attachés à l’euro et n’ont aucune envie d’en sortir. Ce qui permet aux experts de Bruxelles de prétendre que c’est parce que celui-ci a contribué à la prospérité de la zone en mettant fin à la guerre des monnaies entre les pays et en éteignant l’inflation liée à l’abus des dévaluations compétitives, ravageuses pour le pouvoir d’achat. En outre, la disparition des frais de change a favorisé les échanges. 

En vérité, nous pensons et l’avons souvent dénoncé, que l’attachement des Européens à la monnaie unique n’est lié qu’à la facilité qu’elle engendre de voyager, en tout cas au sein de la zone euro (19 pays tout de même et qui sont ceux dans lesquels les citoyens de l’UE se déplacent le plus). Autrement dit, l’euro est devenu un appendice incontournable du consumérisme et du festivisme qui caractérisent notre désolante époque. C’était probablement l’objectif des initiateurs de cette nouvelle monnaie pour parvenir à imposer sans trop de douleurs leur vision mondialiste de l’économie…Et, comme attendu, les Européens sont tombés dans le panneau.

La preuve en est que l’autre objectif annoncé lors de l’instauration de l’euro (la convergence des économies des Etats membre de la zone) a échoué. « Alors qu’avant la crise, les produits intérieurs bruts [PIB] par tête allemand, français et italien étaient proches, celui de l’Allemagne est désormais 15 % plus élevé que celui de la France et 30 % plus fort que celui de l’Italie », explique Florence Pisani, économiste chez la société de gestion d’actifs Candriam. Les écarts sont tout aussi grands si l’on se penche sur les taux d’emploi. Pourquoi ? Tout simplement parce que la monnaie unique n’a servi, en la matière, qu’à assurer et accroître la prospérité de l’économie allemande. C’était l’objectif des industriel allemands. Les mêmes qui nous ont obligés, plus tard, à subir une submersion migratoire qui ne servait en définitive que leurs intérêts.

Alors, les mêmes experts se perdent aujourd’hui en conjectures sur le pourquoi du comment…« L’erreur initiale était de croire que des règles budgétaires communes, limitant le déficit public à 3 % du PIB, suffiraient à rapprocher les économies », résume Henri Sterdyniak, cofondateur des Economistes atterrés, un collectif s’affichant comme opposé à l’orthodoxie néolibérale. En se concentrant uniquement sur les finances publiques, la zone euro a trop longtemps ignoré les autres déséquilibres se creusant entre les Etats, tout aussi graves. A l’exemple de la bulle immobilière apparue en Espagne avant 2008. Ou du colossal excédent commercial allemand, dommageable pour les autres membres, car construit à leurs dépens.

Résultat : « Lorsque (la crise économique) a frappé, les Etats n’ont pas pu ajuster leur compétitivité en dévaluant leur monnaie, comme autrefois, explique Charles Wyplosz, de l’Institut de hautes études internationales de Genève. Ils ont dû le faire par la baisse des salaires et par l’austérité, bien plus coûteuses socialement. » Les « Gilets jaunes » l’ont rappelé récemment !

En particulier, en Espagne, au Portugal et en Grèce (mais pas que). Ces ajustements auraient été moins douloureux si des mécanismes propres avaient permis de soutenir ces pays pendant la période difficile – une enveloppe financière pour limiter la pauvreté, par exemple. Faute d’en disposer, les chefs d’Etat ont dû bricoler des plans d’aide en catastrophe quand, en 2010, Athènes s’est enfoncée dans la crise. Nous en avons vu et pu mesurer les conséquences.

Aucun pare-feu non plus n’existait pour éviter la spéculation sur les dettes publiques. Lorsque celle-ci s’est déchaînée, en 2011, la Banque centrale européenne (BCE) a mis de côté sa mission traditionnelle – veiller à la stabilité des prix – pour intervenir. Dans la foulée, elle s’est mise à racheter des titres d’Etat pour faire baisser les taux d’emprunt et soutenir la croissance. Pire, elle a directement soutenu le lobby bancaire et indirectement favorisé ses profits indécents.

Après 2012, soucieux de combler ces faiblesses, les gouvernements se sont retroussé les manches. Ils ont solidifié l’architecture de la zone euro en renforçant la surveillance des banques et en instaurant le Mécanisme européen de stabilité (MES), pour contrer la spéculation. Ils ont mis en place des procédures pour que les économies convergent davantage. Mais en verrons-nous un jour les fruits ? Pas si sûr.

A défaut, les Etats pourraient créer un embryon d’assurance-chômage commune, suggèrent certains économistes, ou assouplir les règles budgétaires en période de crise. Mais les Etats du Nord de l’Europe ne veulent pas en entendre parler. Certains redoutent que cela ouvre la porte à de dangereuses dérives des finances publiques. D’autres se méfient carrément des gouvernements du Sud. « La confiance réciproque est précisément ce qui manque le plus, aujourd’hui, à la zone euro », regrette Patrick Artus.

Pour quelles raisons ? Ne serait-ce pas parce que cette usine à gaz n’est qu’une utopie ? Une utopie…ruineuse.

Le 4 janvier 2019.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

L’Eurogroupe vu de l’intérieur…par Yanis Varoufakis.

13 Oct

 

« Conversations entre adultes » est un livre incontournable de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre grec des finances à l’époque de la crise financière la plus aiguë avec l’Union européenne (pour retrouver ce que nous en disions en 2015, vous pouvez vous reporter à nos « Billets d’Argolide« ). Nous ne partageons pas et de loin toutes ses idées mais nous reconnaissons qu’il y brosse avec intelligence et précision les bassesses et autres coups fourrés intervenus au sein de l’Union européenne et, plus précisément, de l’Eurogroupe, cette réunion des ministres des finances qui partagent la monnaie unique mais dont le fonctionnement reste largement opaque. C’est saisissant.

Lorsque le ministre grec des finances nommé en janvier  2015 après la victoire de la Coalition de la gauche radicale (Syriza) arrive à Bruxelles, il sait qu’il est en terrain hostile. Depuis cinq ans, la Grèce vit sous perfusion européenne et les divers gouvernements qui se succèdent à Athènes sont contraints d’appliquer des mesures d’austérité drastiques. Pendant cinq ans, Yanis Varoufakis a combattu en tant qu’économiste, ces mesures et la logique absurde de ce qu’il appelle  » le Renflouistan  » : on prête de l’argent à un pays en faillite, en exigeant des mesures qui le mettent à genoux et qui ne servent qu’à rembourser ses dettes…à l’Union européenne !

Le nouveau ministre enregistre avec son téléphone portable les principales conversations au sein de ce cénacle ou ses entretiens avec ses interlocuteurs. Le procédé est cavalier, certes, mais Yanis Varoufakis assume sa position de pirate pour témoigner de ce qui s’est passé pendant ses six mois de mandat., avant qu’il soit exfiltré.

Conversations entre adultes décrit l’incroyable violence à l’œuvre derrière les portes closes des couloirs de Bruxelles. Le commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, avec lequel Varoufakis n’est pas tendre dans le livre, a déploré début septembre que la gestion de l’Eurogroupe du dossier grec avait été  » proche d’un scandale démocratique « . C’est ce scandale que raconte Yanis Varoufakis.

Mais il permet aussi de comprendre les erreurs du gouvernement grec et les déchirures au sein du Syriza, à l’épreuve du pouvoir, même si on peut regretter que Y. Varoufakis n’exprime pas la moindre autocritique.

Lors de son premier Eurogroupe, il a reçu un soutien convenu du ministre français des finances, le chafouin Michel Sapin (l’homme de la poussière budgétaire sous le tapis et des comptes insincère) mais Wolfgang Schäuble (dit le Dogue allemand) a aussitôt pris la parole :  » “Des élections ne sauraient changer une politique économique”, déclara Schäuble en fusillant Sapin du regard. «  La hiérarchie est établie car, avec Schäuble, en bon Allemand, « plus ça change et plus c’est la même chose ! » : https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/08/31/en-allemagne-surtout-plus-ca-change-et-plus-cest-la-meme-chose/.

Le ministre allemand régnait en maître, sous la houlette du président Jerœn Dijsselblœm, ministre social-démocrate des Pays-Bas, et de l’Autrichien Thomas Wieser, un haut fonctionnaire de la Commission, chargé de préparer les réunions des ministres, deux des principales têtes de Turc de Varoufakis dans le livre. Il décrit le ministre des finances allemand entouré de ce qu’il appelle  » ses cheerleaders «  : les ministres de plusieurs pays de l’Est, toujours d’accord avec le grand argentier allemand. Sans compter ses Gauleiters, sur place. Ça ne vous rappelle rien ?

La violence ne se limite pas à l’Eurogroupe. Il raconte une rencontre avec l’Allemand Klaus Regling, le directeur du Mécanisme européen de stabilité (MES), l’un des créanciers de la Grèce, dans laquelle il lui fait part de son dilemme : payer les retraites ou rembourser une échéance du Fonds monétaire international (FMI).  » Etre en défaut de paiement vis-à-vis du FMI est inimaginable. Suspendez les retraites. Vous n’avez pas le choix. «  La directrice du FMI, Christine Lagarde, sera plus compréhensive quand il lui présentera ce dilemme mais les Français se rendent-ils compte de la dictature exercée par ces ronds de cuir de Bruxelles et de Francfort, jamais élus mais décidant de tout en prétendant qu’ils « font notre bonheur malgré nous » ?

Paradoxalement, le ministre de la gauche radicale apparaît plus à l’aise avec les conservateurs comme Mme Lagarde ou le ministre espagnol, Luis de Guindos, qu’avec les sociaux-démocrates, comme Michel Sapin, Pierre Moscovici ou l’Allemand Sigmar Gabriel, dont il se méfie, ce qui ne l’empêche pas d’accepter leur aide.

Il est fasciné par Wolfgang Schäuble, son principal adversaire. L’économiste grec met en scène ses entretiens avec l’Allemand qui lui parle rapidement du  » Grexit  » :  » Je doute qu’aucun gouvernement soit en mesure de maintenir la Grèce dans la zone euro. «  Pour Schäuble, céder au gouvernement grec serait un mauvais signal pour les autres à commencer par Paris :  » La zone euro sera beaucoup plus forte si le Grexit sert à discipliner les autres.  » En vérité, personne n’a encore compris que seul le « Grexit » aurait sauvé la Grèce…

Plus tard, lors de leur dernière rencontre, au cours de laquelle Schäuble lui offre des euros en chocolat,  » pour calmer ses nerfs « , Varoufakis lui demande s’il aurait signé le Memorandum of Undestanding (MoU), le document établissant la liste des mesures d’austérité à prendre pour le gouvernement grec.  » En tant que patriote non. Le MoU n’est pas bon pour la population grecque « , lui aurait répondu avec cynisme le ministre allemand, amer de constater qu’Angela Merkel a fermé la porte au  » Grexit « .

Varoufakis est, lui aussi, amer de voir son premier ministre, Alexis Tsipras, assouplir sa position. Il le décrit comme  » épuisé « ,  » sous l’emprise de Merkel « ...lui aussi. Les deux hommes avaient scellé un pacte. L’économiste, qui n’est pas membre du Syriza, propose un plan : sortir des programmes d’austérité, restructurer la dette, éviter le  » Grexit « , sauf si c’est le seul moyen de ne pas capituler face à Bruxelles. Il a même préparé un système de paiement parallèle en cas de fermeture des banques ou de sortie de la zone euro. Pour Varoufakis, il est indispensable de se résigner à cette issue, au cas où. Il le rappelle sans cesse à Tsipras. Mais craint les dangers d’une sortie de la zone euro et ne peut s’y résoudre. Varoufakis multiplie les petites remarques sur  » ses tendances à la mélancolie « . Il décrit un Tsipras en proie aux doutes. Les Grecs en savent aujourd’hui quelque chose.

Seul Yanis Varoufakis, lui, n’a pas de doute. Nous non plus, ces gens sont des prédateurs.

Le 13 octobre 2017.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

L’Europe de demain vue par Emmanuel Macron : accrochez-vous, ça va décoiffer !

27 Sep

Pour plus de simplicité, commençons par le résumé de l’exposé du président de la République française. Ça vous permettra éventuellement d’en rester là, sans lire en détail ses principales propositions :

C’EST LA MORT PROGRAMMEE DES NATIONS ET, EN PARTICULIER POUR LA FRANCE, LA SORTIE DE L’HISTOIRE .

Mais ne vous avions-nous pas prévenus ? (Lire « À moins d’une semaine… » : https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/04/18/bulletin-climatique-quotidien-18-avril-2017-de-la-republique-francaise/et aussi « Comme le temps passe ! » : https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/05/16/comme-le-temps-passe/).

Sans compter ceci qui n’est pas piqué des hannetons :

Vous rendez-vous compte de ce que dit ce malade ? « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens« …C’est le goulag.

Mais à tout hasard ou pour ceux qui voudraient se faire du mal, voici les idées du chef de l’Etat sur le sujet sachant que tout n’est pas à jeter aux orties mais que l’on imagine mal qu’il ait souhaité proposer que l’UE soit une auberge espagnole…

  • Sécurité et défense

Le chef de l’Etat a proposé de renforcer l’Europe de la défense et de la sécurité en créant notamment :

  • une « force commune d’intervention » européenne pour 2020
  • un budget de défense commun et une « doctrine commune » pour agir
  • une académie européenne du renseignement pour « assurer le rapprochement de nos capacités de renseignement ».
  • un parquet européen contre le terrorisme

Sur la sécurité, le président a aussi abordé l’aspect écologique : « Les bouleversements climatiques menacent. » Il appelle à la création d’une « force européenne de protection civile mettant en commun les moyens de secours et d’intervention pour répondre aux catastrophes de moins en moins naturelles comme les séismes et les inondations ».

  • Migrations

« La crise migratoire est un défi durable. Nous manquons d’efficacité comme d’humanité », a lancé Emmanuel Macron. Il veut créer un office européen de l’asile et une police européenne des frontières, « pour maîtriser efficacement nos frontières, accueillir dignement les réfugiés (…) et renvoyer rapidement ceux qui ne sont pas éligibles au droit d’asile ».

L’objectif est d’accélérer et harmoniser les procédures ; mettre en place des fichiers interconnectés et des documents d’identité biométriques sécurisés.

Il veut aussi installer un programme européen de formation et d’intégration pour les réfugiés.

  • Economie et social

Concernant le volet économique, le président français souhaiterais voir se créer au niveau européen « une taxe sur les transactions financières », qui serait « affectée intégralement à l’aide » au développement. « Il y a deux pays en Europe qui ont une taxe sur les transactions financières » : la France et la Grande-Bretagne. « Prenons cette taxe, généralisons-la à l’ensemble de l’Europe », a-t-il lancé.

Le président souhaite également, d’ici à 2020, une « fourchette de taux » commune d’impôt sur les sociétés. « Son respect ouvrirait le droit aux fonds structurels », détaille-t-il. Il souhaite également un salaire minimum, adapté à la réalité économique de chaque pays, et l’encadrement de la concurrence par les niveaux de cotisations.

Pour rester concurrentiel à l’échelle mondiale, Emmanuel Macron a abordé la question du renforcement de la zone euro, et la nécessité de créer :

  • « un budget plus fort au cœur de la zone euro », qui permette de financer des investissements communs, avec des impôts liés à ce budget
  • un ministre des finances de la zone euro
  • un contrôle démocratique
  • Développement durable

Concernant la transition énergétique, le président propose de fixer au niveau européen un « juste prix » pour le carbone – dont les échanges permettent de pénaliser les industries polluantes. Ce prix devra être « suffisamment élevé », d’au moins 25 à 30 euros la tonne, pour encourager la transition écologique.

Il a aussi proposé de mettre en place aux frontières européennes une taxe sur le carbone qui pèserait sur les importations issues d’industries polluantes, afin « d’assurer l’équité entre les producteurs européens et leurs concurrents ».

  • Numérique et innovation

Sur le volet numérique, le président souhaite créer une agence européenne pour l’innovation, capable de financer en commun des champs de recherche nouveaux, comme l’intelligence artificielle.

« Créons dans les deux ans une agence européenne pour l’innovation, pour être en position d’innovateur et non de suiveur. »

Il a cité pour modèle l’agence américaine de recherche militaire DARPA, agence du département de la défense des Etats-Unis chargée de la recherche et développement des nouvelles technologies, qui dans les années 1970 a été à l’origine de la création d’Internet.

Le président veut créer des « champions européens » dans la transition numérique. « Le marché unique du numérique est une occasion à saisir pour protéger les données économiques de nos entreprises », a-t-il par ailleurs déclaré. Emmanuel Macron a aussi rappelé sa volonté de taxer les entreprises numériques en taxant la valeur « là où elle se crée », et de réguler les grandes plateformes.

  • Institutions et démocratie

« Nous devons refonder le projet européen par et avec le peuple », a déclaré Emmanuel Macron, en appelant à « un vaste débat sur l’Europe dans les pays qui le souhaitent ». « Un débat ouvert, libre, transparent et européen » pour « offrir un contenu à l’Europe avant les élections européennes de 2019 ».

Le président français propose :

  • de renforcer le Parlement européen par des listes transnationales, dès 2019
  • Qu’en 2024 la moitié du Parlement européen soit élue sur ces listes transnationales
  • « Une Commission européenne à quinze membres ».
  • Jeunesse

Devant les étudiants de la Sorbonne, Emmanuel Macron a déclaré vouloir « que chaque étudiant parle au moins deux langues européennes d’ici 2024 ». Il souhaite également que chaque jeune Européen ait passé au moins six mois dans un autre pays européen (la moitié d’une classe d’âge en 2024). « L’Europe du multilinguisme est une chance », a-t-il déclaré.

Il veut aussi créer des universités européennes, réseaux d’universités qui permettent d’étudier à l’étranger et de suivre des cours dans deux langues au moins.

C’est beau la jeunesse. Surtout celle des chefs d’Etat ! Mais c’est hélas si éloigné des réalités et des faits dont ils oublient…qu’ils sont têtus. Un exemple au hasard : comment ce plan macronien sera-t-il compatible avec les résultats des élections législatives en Allemagne, pas plus tard que dimanche dernier ?

Mystère et boule de gomme !

Le 27 septembre 2017.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

 

La vision impériale d’Emmanuel Macron pour l’Europe.

9 Sep

Pendant que les Antilles françaises mesuraient l’ampleur de la catastrophe qui venait de les frapper, Emmanuel Macron redessinait à Athènes, où il était en visite d’Etat, la carte de l’Europe. A la façon de Napoléon Bonaparte créant, entre 1806 et 1810, la Confédération du Rhin, le Grand-Duché de Varsovie et le royaume de Hollande !

Il était sur la Pnyx, dos à l’Acropole, sur cette colline où les Athéniens firent faire ses premiers pas à la démocratie. Il y était élégant, cravaté, impeccablement coiffé, plus gendre parfait et plus technocrate que jamais mais là, Emanuel Macron parlait Europe, de ses erreurs et de sa nécessité, des dangers qui la guettent et de l’urgence de la refonder, et un lyrisme de visionnaire habité, soudain, transcendait cet homme.

Pour lui, l’unité européenne est aussi indispensable aux Européens qu’au reste du monde et en l’entendant hier, s’adresser à la Grèce et lui dire que ses partenaires de l’Union n’avaient pas su la secourir et l’avaient bêtement acculée à trouver des investisseurs étrangers plutôt qu’européens. On croyait lire les pages du blogue du CER mais on entendait ce qui définit ce nouveau président et organise son action : le techno-lyrisme. Pour lui, les nations européennes ne peuvent être souveraines que dans leur unité,  pour permettre, dit-il, « de vivre selon nos valeurs et nos règles » et de « répondre aux grands défis du monde », sécuritaire, numérique, migratoire, climatique. Il tweeta d’ailleurs une carte-postale d’Athènes qui résumait sa pensée, finalement pas si complexe qu’on nous le raconte :

 

En résumé, les Nations doivent disparaître. La France, nécessairement, aussi.

 

Emmanuel Macron était hier l’avocat d’une cause qui n’est pas la notre mais, en même temps, un joueur d’échec. A Athènes, il était aussi venu chercher un soutien, comme il le fait, l’une après l’autre, dans toutes les capitales de l’Union, pour ses idées de nouvel Empire, entièrement organisées autour de la zone euro : capacités d’emprunt,  ministre des Finances et budget commun, Parlement spécifique de ladite zone, listes transnationales aux prochaines élections parlementaires européennes, prise en charge commune des patrimoines nationaux de l’Union et développement des échanges entre étudiants et maintenant apprentis, etc. Il y croyait comme s’il venait de remporter la victoire à Austerlitz.

Napoléon Bonaparte aussi mais, sept ans plus tard, c’était la Bérézina.

Le 9 septembre 2017.

Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.